Pour moi l’entreprenariat,
c’est quoi ?
C’est décidé un beau jour de créer son entreprise et de devenir auto-entrepreneure. Au début, il y a l’excitation, l’envie et la volonté d’apporter un peu de nos idéaux à la société. Puis très vite ces idéaux viennent se confronter à la réalité …
Quand j’ai décidé de créer mon entreprise, je ne pensais pas une seule seconde à tout ce qui allait se mettre en travers de mon chemin et transformer ma petite route tranquille en véritable parcours du combattant.
Le premier obstacle est bien entendu soi-même.
En bonne grande froussarde, je suis plutôt du genre à mettre un orteil dans l’eau avant de plonger progressivement le reste du corps. C’est exactement ce que je fais avec mon entreprise. J’en suis au stade du genou si vous voulez savoir, il est encore temps de faire demi-tour sans trop avoir froid en sortant ! Malgré l’excitation de créer de mes mains, je suis tétanisée à l’idée d’abandonner tout ce que j’ai aujourd’hui. Beaucoup de questions viennent frapper à ma porte : est-ce que cela va me plaire ? Ne vais-je pas me lasser ? Est-ce que je suis vraiment douée pour cela ou alors je me fais des idées ? Non je dois me faire des idées … Je vois tellement de créateurs doués, je suis très loin d’être à leur niveau … Ah ! Ce fameux syndrome de l’imposteur … Quelle légitimité ai-je à créer pour les autres alors que je n’ai aucun diplôme et aucune formation ? Tout ce que je sais, je l’apprends sur le tas, parfois à mes dépends mais jamais au votre. Il y a une remise en question perpétuelle, on se demande toujours si ce que l’on fait est bien, si cela va plaire. On se demande pourquoi ce produit là a fonctionné et qu’un autre non. Alors on cherche à comprendre. On se questionne. On réessaye, encore et toujours…
Face à ce tourbillon de questions déferlant dans notre tête, nous sommes seuls, terriblement seul. Vous êtes la seule aux commandes, la seule capable de prendre les décisions, c’est vous qui donnez à votre entreprise son âme et sa ligne directrice, en l’assumant pleinement. Ainsi cette responsabilité vous explose au visage, dans le positif comme le négatif. Bref, un flot d’émotions qui oscillent d’une journée à l’autre et même d’une heure à l’autre.
Le second obstacle c’est le temps.
Oh mon Dieu, qu’est-ce que je peux courir après lui ! Mes journées sont très rythmées et très … chronométrées !
Je suis actuellement fonctionnaire, je travaille à temps plein et je dirige mon entreprise qui est constituée des Cousettes d’Anne et de ma marque de prêt-à-porter Fugace by Les Cousettes d’Anne. Je travaille donc à l’aube avant de prendre la route, mais aussi le soir en rentrant du travail et lors de mes week-ends et de mes vacances. Le plus dur n’est pas de travailler en permanence, j’adore ce que je fais avec mon entreprise, mais c’est tout le temps que je ne passe pas avec les gens qui m’entourent. Dire non pour passer une soirée entre amis, dire non à mes parents quand ils veulent que je parte en week-end avec eux, ne pas prendre le temps d’aller voir mes grands-parents et même de les appeler, ne pas partir en vacances avec mon amoureux, ne pas réussir à soutenir comme je le voudrais les gens qui comptent pour moi et j’en passe. Au moment où je vous écris, je suis en route pour le Pays Basque (en vacances). Et devinez quoi ? J’ai choisi cette destination parce que je dois aller voir un fournisseur, sinon je ne serai pas partie…
Toutes ces personnes comprennent très bien ce que je fais, elles ont conscience que cela me demande une quantité de travail importante. Elles ne m’en veulent pas mais moi …. La culpabilité me ronge. La famille est la valeur la plus importante à mes yeux. Ainsi ne pas prendre soin d’eux m’est extrêmement difficile. Et quand je peux les voir, je suis tellement épuisée que je dors ! J’ai oublié le goût du dimanche-canapé.
Le troisième obstacle : les biens matériels.
Vous allez me dire « on s’en moque ce n’est que du matériel ». Pourquoi ne pas lâcher mon travail pour me consacrer entièrement à la création ? Tout simplement parce que je ne peux pas en vivre. Avoir des rêves c’est bien mais il faut manger, payer ses factures, payer son loyer, mettre de l’essence dans la voiture, etc. Ma situation professionnelle n’aide pas non plus. Le fonctionnariat offre des avantages mais sortir de la fonction publique est une tâche ardue. Le système fait tout pour vous retenir. Si je démissionne, je n’ai rien, aucune aide, aucune formation pôle emploi, rien. Comme dirait mon mari « Eh, tu ne peux pas avoir le beurre, l’argent du beurre et le c** de la crémière ! » ahah. Et puis, on ne va pas se mentir quitter son confort pour repartir de zéro, pfiou…
Que de lignes sur les inconvénients de l’entreprenariat, alors pourquoi continuer ?
Parce qu’avec mon entreprise, je me sens exactement là où je dois être.
C’est un peu de la magie. La création, je l’ai dans les tripes. Je ne peux pas m’en empêcher. Quand j’essaie de ne pas y penser, j’y pense. Quand je ne dessine pas mes prochaines créations, cela me manque. Mon cerveau est perpétuellement en ébullition. Cela fait un moment que j’ai arrêté de me laisser guider par ma logique. Bien sûr je raisonne et procède par étapes. Cependant mon plus gros dilemme aujourd’hui est de choisir entre ce que veulent mes tripes et ce que désire mon cœur. Choisir entre la création ou passer du temps avec mon entourage. Les deux me sont vitaux, lequel choisir ?
Je continue aussi parce que je suis extrêmement bien entourée.
J’ai un mari qui me laisse tout le temps dont j’ai besoin, qui accepte de partir en vacances là où il y a mon fournisseur. Il s’improvise photographe, relie mes textes, me prépare à manger, amène mon thé pendant que je suis dans mon atelier, fait les courses, bref qui gère tout ce dont je suis incapable de m’occuper : la maison et moi. Il est d’un soutien infaillible et c’est le premier à m’avoir encouragé à créer mon entreprise. Mes parents sont également toujours derrière moi : mon frère qui me conseille, ma sœur qui m’aide avec la communication de Fugace, ma mère qui m’aide à la découpe, mon père qui m’apporte un soutien matériel pour mon site internet et qui s’occupe de mes impressions. Sans oublier ma belle-famille. Parce que oui j’ai une belle-mère presque parfaite qui n’hésite pas à venir faire du ménage quand on est sous l’eau. Et ma belle-sœur qui vient pour les shooting Fugace et fait tous les tests de prototypes. Mes grands-parents qui me disent qu’ils ne m’en veulent pas quand je ne vais pas les voir et qui m’appellent pour avoir des nouvelles. Et mes amies, d’un soutien moral incroyable. Toujours à me pousser.
Je n’arrête pas parce qu’il y a tous ces gens qui croient très fort en moi et je vous promets que cela vous donne une force incroyable ! Quand vous êtes au bout du rouleau, ils sont là pour vous relever et vous aider à avancer. Alors même si vous êtes seule face aux décisions et aux responsabilités, vous avez des personnes qui vous portent. Un peu comme des béquilles ! Elles ne peuvent pas marcher à votre place mais sans elles vous n’avancez pas !
La dernière raison est la liberté.
Être entrepreneur c’est avoir la sensation de voler ! Vous êtes le capitaine à bord, vous prenez les décisions que VOUS avez envie. C’est vous qui décidez de ce que vous voulez apporter à la société. Vous êtes maîtres de votre engagement et de vos convictions. Vous ne représentez personne à part vous-même. Vous êtes libre de tout arrêter du jour au lendemain. Et cette liberté n’a pas de prix.
Cela fait bien peu de raisons de continuer mais pour moi elles valent tous les désagréments. Le bonheur que me procure cette entreprise est à la hauteur des soucis qu’elle me donne.
Alors pour ces trois simples raisons je vais continuer d’avancer dans l’eau, de me mouiller progressivement en ayant l’horizon comme ligne de mire, en souhaitant de tous mes voeux avoir la force de me jeter à l’eau, dans le grand bain, à ma place…
Anne